Sur X (Twitter) Paul St-Pierre Plamondon @PaulPlamondon

Pourquoi Marc-Antoine Dequoy avait raison de «pêter sa coche» et n’a pas à être désolé

De nombreux Québécois avaient les yeux rivés sur leur écran ce dimanche pour voir l’excellent match de la Coupe Grey qui opposait les Alouettes aux Blue Bombers de Winnipeg et qui a vu nos moineaux l’emporter pour la première fois depuis 2010. Nous avons eu droit à l’un des matchs de football les plus divertissants des dernières années et surtout à une démonstration d’audace et d’esprit d’équipe gagnante absolument magistrale. C’est une excellente nouvelle pour le football au Québec en général.

Même ceux qui n’ont pas regardé la partie en direct auront vu cette entrevue épique de Marc-Antoine Dequoy à la suite de la victoire des Alouettes, où il critiquait l’absence complète du français dans les festivités entourant cette finale. En effet, le bilan de « Canadian Football League » est peu reluisant : hymne national unilingue anglophone en demi-finale, le français presque inexistant dans l’affichage et dans l’animation de la finale. Cherchez une trace de français dans le spectacle de la mi-temps, vous ne trouverez pas. Pour vous dire à quel point la ligue s’en fiche, au moment d’écrire ce texte, le compte officiel francophone de la « LCF » sur X n’a toujours pas souligné la victoire des Alouettes, alors que son compte en anglais a réussi à faire une faute en écrivant « fleur de lis » dans une phrase rédigée en franglais. Imaginez-vous deux secondes la LNH qui oublierait de tweeter une victoire à la Coupe Stanley des Canadiens: ce n’est pas sérieux.

Au lendemain de son entrevue enflammée, Marc-Antoine Dequoy a voulu tempérer ses propos en disant que l’émotion avait beaucoup parlé. Pourtant, il suffit de parler aux gens autour de nous, de regarder les réactions partout dans les médias et sur les réseaux sociaux pour venir à la conclusion qu’une déclaration aura rarement réussi à rassembler autant de gens. Je tiens donc à le dire haut et fort: Marc-Antoine Dequoy n’a pas à être désolé. Sa réaction ne traduit pas une malchance passagère de la LCF, mais plutôt un mépris généralisé pour le fait français dans cette ligue comme trop souvent dans l’ensemble du Canada, tant dans les sports que dans les fédérations sportives. Pour les grandes institutions canadiennes, notre langue est vue surtout comme un fardeau, une anomalie, et souvent pire, comme un aspect que l’on peut mépriser sans retenue.

Les exemples sont nombreux. Pensons à Équipe Canada Junior qui a littéralement interdit aux joueurs francophones de parler leur langue, au nom « de l’esprit d’équipe ». Pensons au fiasco des Jeux olympiques de Vancouver, où le français a encore une fois été ignoré. Même le secrétaire général de la Francophonie de l’époque, Abou Diouf, n’en revenait pas et a dénoncé. Pensons au scandale qui avait été provoqué lorsque Michel Goulet avait simplement demandé de recevoir son contrat en français à la fin des années 70. Pensons au français qui est presque toujours ignoré dans les hymnes nationaux des équipes canadiennes anglaises. Pensons aux allégations de discrimination envers les francophones dans les sélections d’équipe nationales ou pour les olympiques. Pensons à la « CBC » qui a mis la hache dans la « Soirée du Hockey » alors qu’elle avait maintenu le service du « Hockey night in Canada », privant les francophones qui ne pouvaient pas se payer le câble de voir les parties du samedi.

Ce même modus operandi est reproduit dans la fonction publique canadienne. Pas plus tard qu’il y avait deux semaines, on apprenait que des hauts gradés de la GRC occupant des postes bilingues ne parlaient pas un mot de français. L’année passée, on apprenait qu’il était presque impossible d’avancer dans la haute direction d’Affaires mondiales Canada si on était un francophone. De nombreux rapports sur l’état des rencontres dans les différents ministères supposés être « bilingues » nous disent qu’en réalité, on faisait les salutations en français pour ensuite tenir l’entièreté de la rencontre en anglais.

Le Canada est un pays unilingue anglais qui, convaincu de sa supériorité, voit la francophonie comme une anomalie appelée à disparaitre au fur et à mesure que nous nous ferons assimiler. Son approche est essentiellement passive-agressive, c’est-à-dire qu’elle consiste à ignorer les francophones et à déverser tout leur fiel lorsque ces francophones osent s’en plaindre, comme on le voit ce matin dans plusieurs médias anglophones. Cette réalité existe depuis des décennies, voire des siècles, et n’ira pas en s’améliorant au fur à et mesure que le poids démographique et politique des francophones diminuera dans le Canada de l’initiative du siècle de Justin Trudeau, qui vise à atteindre 100 millions de Canadiens d’ici 2100.

Dequoy a eu du courage en disant tout haut ce que nous pensons tout bas. Il a agi en gagnant, sur le terrain comme hors terrain. Il a le soutien de ses coéquipiers qui font de vrais efforts pour apprendre et respecter notre langue commune. Il n’a pas à s’excuser. Chers Alouettes, vous nous rendez très fiers, merci à vous et nous vous le rendrons dans les gradins la saison prochaine. Bon défilé !