L’organisme publie, lundi 22 janvier, son état des lieux annuel. « Chez les garçons, les tendances masculinistes s’affirment et chez les filles, on relève la même dynamique régressive », s’inquiète sa présidente, Sylvie Pierre-Brossolette. Publié le 22 janvier 2024 à 06h30, modifié le 22 janvier 2024 à 08h21
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Article réservé aux abonnés Manifestation lors de la Journée internationale des droits des femmes, à Toulouse, le 8 mars 2023.
C’est sur un constat peu réjouissant que s’ouvre l’état des lieux annuel du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), publié lundi 22 janvier. « Loin de reculer, le sexisme s’ancre, voire progresse » en 2023, prévient d’emblée l’organisation consultative indépendante, qui a pour mission d’orienter les politiques publiques en matière d’égalité. Elle s’appuie sur les résultats d’un baromètre Viavoice, réalisé auprès de 3 500 personnes en novembre 2023.
La lecture de certains résultats renvoie un parfum des années 1960. Ainsi, 60 % des femmes (toutes générations confondues) pensent qu’elles doivent être discrètes pour correspondre à ce que la société attend d’elles (45 % des hommes sont d’accord) et 66 % qu’elles doivent être douces et sensibles (rejointes par 67 % des hommes).
Certains enseignements montrent un paradoxe ; alors que 82 % des femmes ont déjà le sentiment d’avoir été moins bien traitées en raison de leur sexe, et que neuf sur dix ont déjà modifié leurs comportements afin d’échapper au sexisme, elles s’en font aussi, parfois, les porte-parole. Ainsi, 52 % pensent que, pour correspondre à ce qu’on attend d’elles, elles doivent avoir des enfants. Et, si elle reste minoritaire, l’idée qu’il « est normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants », approuvée par 34 % d’entre elles, progresse de 7 points par rapport à 2023.
Les normes viriles ne sont pas en reste : 70 % des hommes estiment qu’un homme doit pouvoir prendre en charge financièrement sa famille (63 % des femmes le pensent aussi) et 31 % qu’il faut savoir se battre (27 % des femmes approuvent).
« Nous avons une confirmation du rapport de l’an dernier qui pointait un sexisme persistant, avec, une nouvelle fois, une inquiétude particulière sur la tranche des 25-34 ans, analyse Sylvie Pierre-Brossolette, la présidente du HCE. Chez les garçons, les tendances masculinistes s’affirment et chez les filles, on relève la même tendance régressive, avec par exemple la valorisation de rôles traditionnels et de stéréotypes. » Etude des « incubateurs » de normes sexistes
Les hommes de cet âge témoignent, plus que les autres, d’une « forme de passivité, voire d’hostilité et de résistance à l’émancipation des femmes dans la société », pointe le rapport.
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Par exemple, ce sont les plus nombreux (52 %) à considérer que l’on s’acharne sur les hommes, et 59 % disent qu’il « n’est plus possible de séduire une femme sans être vu comme sexiste ». Chez les jeunes femmes aussi, certaines injonctions sont parfaitement assimilées. Par exemple, 58 % d’entre elles considèrent qu’une femme doit faire passer sa famille avant sa carrière (contre 46 % tous âges et sexes confondus).
Passé ce constat général, le HCE s’intéresse tout particulièrement dans cette édition aux racines du sexisme, avec une plongée dans la famille, l’école, et le numérique.
Comment les enfants intègrent-ils les normes sexistes, et de quelle manière les parents les transmettent-ils, même inconsciemment, avant que l’école et Internet prennent le relais ? En observant ces différents « incubateurs », le HCE met au jour des mécanismes communs qui conduisent garçons et filles à intégrer et à répéter les stéréotypes de genre.
Il éclaire aussi des ressentis différents. A la question « Diriez-vous que les femmes et les hommes sont traités de la même manière dans la vie de famille ? », l’écart entre garçons et filles est de 28 points chez les 25-34 ans. A titre de comparaison, un écart de 16 points sépare les deux sexes chez les 65 ans et plus. « L’école fabrique du sexisme »
Chez les parents, pourtant, prédomine la conviction qu’ils ont éduqué leurs enfants de la même manière, quel que soit leur sexe ; 41 % pensent l’avoir fait à tous les niveaux, ce qui ne résiste pas à la lecture de certaines questions plus précises.
Sur les jouets, par exemple, seuls 3 % des hommes ont reçu des poupées et 4 % des femmes des petites voitures dans leur enfance. Dès le plus jeune âge se met en place « une spécialisation des rôles de chacune et chacun », relève le HCE : « Chez les garçons, on valorise la force, la compétition, le mépris de la faiblesse, voire du féminin. Chez les filles, on valorise l’écoute, l’empathie, la douceur et la docilité. »
L’école, qui constitue avec la famille le principal espace de socialisation des plus jeunes, n’est guère mieux outillée. « L’école fabrique du sexisme, plus d’une personne sur deux considère que femmes et hommes n’y connaissent pas le même traitement. » Qu’il s’agisse du partage de l’espace, où les garçons occupent le centre de la cour et les filles la périphérie, des comportements (62 % des femmes de 15 à 24 ans estiment que les garçons manquent de respect envers les filles), et des orientations « genrées et vectrices d’inégalités », l’école, à maints égards, est « le lieu de perpétuation des comportements genrés à l’égard des élèves ».
Les mêmes inégalités se retrouvent, enfin, sur Internet et sur les réseaux sociaux, s’inquiète le Haut Conseil à l’égalité, particulièrement préoccupé par « la culture sexiste » qui s’y développe. Il pointe la violence en ligne à l’égard des femmes, la prolifération des stéréotypes de genre sur les plates-formes et l’image particulièrement dégradée des femmes dans les vidéos pornographiques, qui font office d’entrée dans la sexualité pour une grande partie des jeunes. Trois recommandations principales
Au terme de ce constat très alarmant, le HCE appelle à réagir, soulignant que « précisément parce qu’il est une construction sociale, le sexisme n’est pas une fatalité ». L’organisation formule trois recommandations principales : déployer un programme d’éducation à l’égalité solide et obligatoire ; agir pour réguler les contenus numériques en s’appuyant sur l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ; ouvrir la réflexion sur la création d’un nouveau délit, le délit de sexisme.
« Le sexisme commence à la maison, continue à l’école et explose en ligne », martèle Sylvie Pierre-Brossolette, qui appelle à s’attaquer à ses causes « de toute urgence ».
L’article date de janvier, mais je reposte ça ici vu les échanges récents sur le post verrouillé sur [email protected]
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