• eltoukan@jlai.lu
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    4 months ago

    Je suis d’accord avec cette réaction. On pourrait leur donner le bénéfice du doute en disant qu’ils posent les problématiques en évitant tout biais antérieur (pour éviter d’inclure une réponse dans la question), mais je trouve aussi que poser des questions ainsi, avec cette fenêtre d’acceptabilité, c’est légitimer un peu trop d’importance politique qu’à (malheureusement) ce ressenti.

    Mais peut-être est-il utile d’attaquer cette notion (qui est quand même largement citée pour ses effets négatifs dans le reste de l’article non ?) de manière prudente, afin de ne pas braquer ceux qui seront les premier a clamer (caricaturalement) “on essaie de disqualifier mon ressenti donc je suis opprimé on ne m’écoute pas” ? J’ai l’impression que sinon c’est un cercle vicieux de plus en plus conflictuel.

    Une note du directeur de l’Insee est citée a la fin et il fait la même distinction que ce commentaire, entre ressenti “objectivable” (température + vitesse du vent) et le reste, subjectif et individuel (la conclusion est dans le dernier paragraphe). En fait, on ne devrait pas appeler cela température ressentie du tout.

    On sait en effet qu’à température donnée, la vitesse du vent va avoir un effet incontestable, objectif et mesurable sur la sensation de froid. Mais cette sensation va aussi dépendre de facteurs subjectifs et parfois individuels : à température et vent donnés, on ressentira plus le froid s’il est inhabituel dans la saison, ou à titre individuel, selon qu’on ait pris l’habitude de vivre sous d’autres latitudes, qu’on ait l’habitude de travailler ou pas à l’extérieur, qu’on vive dans des logements plus ou moins chauffés, qu’on ait plus ou moins dormi, qu’on se soit plus ou moins alimenté, qu’on souffre ou non d’une mauvaise irrigation des extrémités des membres etc. La température ressentie de la météo est définie à partir d’indices objectivables, elle est la même pour tous, mais d’autres facteurs subjectifs ou individuels interviennent aussi dans le ressenti.

    Il en va de même pour la perception des phénomènes économiques et sociaux. Prenons l’exemple de l’inflation. Chaque mois, l’Insee publie l’indice des prix relatifs au panier moyen de biens et services pour l’ensemble des ménages français. Mais bien entendu chaque ménage consomme un panier de biens et services spécifique, et est de ce fait exposé à une hausse des prix qui a toutes chances de ne pas coïncider avec la moyenne. Ceci est objectivable et mesurable. Et il est possible d’y répondre en « sortant de la dictature de la moyenne », comme on le verra plus bas. Mais on voit bien que d’autres facteurs, subjectifs ceux-là, peuvent également avoir un effet sur la hausse des prix ressentie. Certains sont liés à des biais cognitifs : on est plus sensible aux hausses qu’aux baisses, on est plus sensible aux achats fréquents, à ceux dont les prix sont très visibles comme les totems des stations services, on est plus sensible à la hausse des prix si l’on est soumis à des contraintes de liquidités. D’autres sont liés à la compréhension même de ce qui est mesuré : même s’ils sont fondés et font l’objet de conventions internationales, les concepts ne correspondent pas forcément à l’intuition. Par exemple, la correction de l’effet qualité conduit à comptabiliser comme une baisse continuelle de prix l’amélioration régulière des performances des ordinateurs ou des smartphones, alors que les ménages y consacrent des budgets stables ou en hausse en acquérant des biens de plus en plus performants.

    Il semble donc que, de même que la correction par la vitesse du vent n’épuisera pas le problème de la différence entre la température et le ressenti de froid, il sera le plus souvent vain de chercher à expliquer les différences entre les agrégats statistiques et leur ressenti par une cause unique.