Les opposants au pont routier d’Achères haussent le ton : « On n’est pas à l’abri que ce mouvement se radicalise »

Le collectif opposé au projet de pont qui doit enjamber la Seine pour relier deux routes départementales dans les Yvelines, veut intensifier son combat. Un référé-suspension doit être notamment être déposé ce lundi, avant une « grande manifestation » dimanche prochain.

Par Mathilde DebarreVirginie Wéber et Mickaël Sizine Le 5 novembre 2023 à 19h12, modifié le 5 novembre 2023 à 19h24

La lutte s’intensifie contre le projet de pont d’Achères, pour relier la D 30 et la D 190 dans les Yvelines. Certains écologistes semblent même faire le parallèle avec le projet contesté d’autoroute A69dans le Tarn pour sensibiliser à leur action. Le début des travaux sur l’île de la Dérivation, le 24 octobre dernier à Carrières-sous-Poissy (Yvelines), qui a notamment conduit à l’abattage d’un tilleul de 150 ans, a fait grand bruit dans les milieux militants.

Une pétition en ligne lancée contre le projet a déjà réuni plus de 4 000 signatures, tandis qu’une grande manifestation est prévue dimanche 12 novembre. « Nous attendons environ 1 000 personnes. C’est du jamais-vu pour un tel projet dans les Yvelines. On n’est pas l’abri que ce mouvement se radicalise », prévient Anthony Effroy, président de l’association Rive de Seine Nature environnement.

Mais avant cela, l’avocat du collectif Non à la 104 Bis va déposer ce lundi 6 novembre au tribunal administratif de Versailles un référé-suspension avec recours contentieux comprenant 40 pages d’argumentaire. Objectif immédiat : réclamer l’interruption du chantier. « On nous dit que ce projet n’a pas d’impact sur la biodiversité alors que ça en a sur plus de 50 espèces protégées. Ce seul argument doit suffire d’un point de vue juridique à faire arrêter ce projet devant relier l’A 13 à l’A 15 », observe le président du collectif, Denis Millet.

« On défigure un coin de paradis »

Sur l’île de la Dérivation à Carrières-sous-Poissy, l’heure est à la sidération chez les promeneurs. Christine, venue en famille d’Herblay-sur-Seine (Val-d’Oise), évoque « un massacre ». « Je suis scandalisée qu’on défigure ce tout petit coin de paradis, comme il n’en existe presque plus en Île-de-France, pour construire une route imaginée par des politiques il y a plus de trente ans », réagit la mère de famille. « En réalité, la première mention de ce projet au conseil général des Yvelines à l’époque remonte au 8 juillet 1983 soit il y a plus de quarante ans », précise même Denis Millet.

En attendant, la protestation ne faiblit pas. Le Copra, collectif de riverains opposé au bouclage de la Francilienne entre les Yvelines et le Val-d’Oise, va se réunir jeudi 9 novembre en assemblée générale publique à Conflans-Sainte-Honorine. Ses membres sont également décidés à participer à la manifestation de dimanche prochain « avec famille, amis, enfants, parents, grands-parents » contre ce « projet très destructeur pour la santé des habitants » et pour sauvegarder les poumons verts locaux. Pour eux, il s’agit d’un projet structurant en vue de la réalisation d’une « A104 bis ».

Un argument aussi évoqué par la municipalité écologiste d’Andrésy. Laquelle estime qu’il « s’agit d’un projet d’un autre temps », celui « où la bétonisation des espaces naturels était encore perçue comme normale ». Et de s’inquiéter de la pollution sonore et atmosphérique qui sera causée par les 44 700 véhicules qui, à terme, y circuleront chaque jour.

D’autres élus ont pris position, comme la sénatrice écologiste Ghislaine Senée, qui parle de « projet routier climaticide ». Sur X (anciennement Twitter), la parlementaire estime que ce pont « va amplifier les pollutions et la production de gaz à effet de serre, sans accroître en rien la résilience de notre territoire. Irresponsable. »

200 millions d’€ ! Voilà ce que le département du 78 et la Région Ile-de-France sont prêts à payer pour un projet qui va amplifier les pollutions et la production de GES, sans accroitre en rien la résilience de notre territoire.Irresponsable.https://t.co/zOmPYMSOgD- Ghislaine Senée (@GhislaineSenee) October 29, 2023

Quant au maire (divers écologistes) de Carrières-sous-Poissy, Eddie Aït, il a écrit à Richard Delepierre (MoDem), vice-président du conseil départemental chargé des transports.

Pourtant, comme l’a rappelé ce dernier, « ce projet a franchi toutes les autorisations administratives ». Une réunion publique a eu lieu fin août pour présenter le calendrier des travaux. « Ce qu’on fait est conforme à la loi », a souligné l’élu. Déclaré d’utilité publique il y a un peu plus de dix ans, ce vaste chantier a pu entrer dans sa phase concrète depuis la publication le 3 juillet dernier d’un arrêté préfectoral d’une vingtaine de pages.

D’importants projets industriels prévus autour de la boucle de Chanteloup

Estimé à 200 millions d’euros, le projet de pont au-dessus de la Seine pour relier les routes départementales D30 et D190 vise à décongestionner la boucle de Chanteloup. Et ce, alors même que celle-ci fait l’objet de programmes industriels d’ampleur, parmi lesquels une importante plate-forme portuaire à Achères, le port Seine-Métropole Ouest, où l’activité pourrait commencer en 2027. Un projet pour lequel plusieurs associations ont déjà manifesté des inquiétudes quant aux répercussions sur le trafic routieret l’artificialisation des sols.