Des voitures qui bougent, des reporters qui gÚlent, des portes fermées, des mots vides de sens. La France a un nouveau Premier ministre.


«Ça bouge du cĂŽtĂ© de la voiture de Gabriel Attal, les phares ont Ă©tĂ© allumĂ©s ! » C’est ainsi que s’est achevĂ©e ce mardi peu aprĂšs midi, sur BFMTV, l’interminable attente de la nomination du nouveau Premier ministre, faisant suite Ă  la non moins interminable attente de l’éviction d’Élisabeth Borne qui a empĂȘchĂ© bon nombre de journalistes politiques de digĂ©rer correctement leur rĂ©veillon. Petit conseil pour la prochaine fois que se reproduira le mĂȘme sketch, en dĂ©tournant la cĂ©lĂšbre maxime journalistique : don’t follow the money, follow the car.

De fait, c’est par une autre bagnole, ou plutĂŽt un cortĂšge automobile s’extirpant de Matignon collĂ© aux fesses par une camĂ©ra motorisĂ©e de BFMTV, que, lundi un peu avant 15 heures, l’hypothĂšse s’est affermie : un truc Ă©tait possible. Quand, quelques instants et une Seine franchie plus tard, ledit cortĂšge – trois motards et deux caisses, dont l’une accueillait le sĂ©ant de l’alors PremiĂšre ministre Élisabeth Borne – est entrĂ© dans la cour de l’ÉlysĂ©e, l’hypothĂšse s’est renforcĂ©e : il allait se passer un truc. Quand, moins d’une heure aprĂšs, le mĂȘme cortĂšge a fait son retour Ă  Matignon, l’hypothĂšse du truc tenait toujours plus la corde. Depuis, il a eu lieu, le truc : lundi, Élisabeth Borne a Ă©tĂ© virĂ©e ; mardi, Gabriel Attal l’a remplacĂ©e et il ne restera à Emmanuel Macron qu’à nommer dans les prochains jours le gouvernement d’icelui – dont GĂ©rald Darmanin, Ă  la surprise absolument pas gĂ©nĂ©rale, fera toujours partie. Bref, un remaniement. Comment ça, on s’en fout ? Comment ça, aucun remaniement ne changera rien tant qu’Emmanuel Macron ne se remaniera pas lui-mĂȘme ? Quelle sinistre absence d’empathie de votre part quand, depuis deux longues semaines, nos pauvres petits journalistes politiques adorĂ©s se saignent aux quatre veines, s’occasionnant de sĂ©rieuses plaies oĂč planter leur plume afin de nous informer du moindre soubresaut de ce remaniement qui a fini par arriver.

Eh oui, le cirque habituel du remaniement a dĂ©ployĂ© son grand chapiteau en une place mĂ©diatique qu’on pensait pourtant rompue Ă  l’exercice tant Emmanuel Macron s’y prĂȘte depuis le tout premier jour de son arrivĂ©e Ă  l’ÉlysĂ©e en 2017 : faire poireauter. Vous savez, bien sĂ»r, le « maĂźtre des horloges », tout ça, tout ça – on a fait un copier-coller de « maĂźtre des horloges » tellement ça nous saoulait de l’écrire encore (lire l’épisode 1 de la saison 1, « MaĂźtre des horloges et boussole mĂ©diatique »). Mais non, rien n’y fait : Emmanuel Macron fait poireauter. Et les journalistes, fidĂšlement, poireautent, se nourrissant exclusivement de riquiqui morceaux d’info sans queue ni tĂȘte que leur jettent des conseillers ministĂ©riels pour les faire patienter – pendant qu’avec une belle constance, c’est vrai, vos serviteurs se moquent (lire l’épisode 2, « Gouvernement : les entrants, les sortants, les macronants »).

Sur BFMTV, lundi et mardi, ils ont mĂȘme tentĂ© de faire crever en direct leurs envoyĂ©s spĂ©ciaux, expĂ©diĂ©s devant des portes fermĂ©es de ministĂšres aux hĂŽtes potentiellement Ă©lus, pour se les geler par zĂ©ro degrĂ© en ne rĂ©coltant aucune info pendant que, sous le froid, se calcifiaient​ leurs mĂąchoires.

Pendant qu’on ne savait rien, il y a eu des infos : à son retour de l’ÉlysĂ©e, une source a rencardĂ© BFMTV sur le « sourire crispé » qu’affichait Élisabeth Borne

Halala, comment ils ont rongĂ© leur frein, ces acrobates de BFMTV, en espĂ©rant pouvoir gommer au plus vite le point d’interrogation de leurs bandeaux : « Élisabeth Borne a-t-elle dĂ©missionné ? », « Gabriel Attal futur Premier ministre ? »

Heureusement, pendant ces heures de vide, lundi, CNews sauvait l’honneur du journalisme, se dĂ©tournant de la vaine attente, car il y avait, voyez-vous, un spectacle cĂ©lĂ©brant la vente de drogues aux enfants et soutenu par la mairie salafisto-gauchiste de Grenoble Ă  dĂ©noncer. Ainsi qu’en bandeau une interrogation Ă  adresser Ă  qui de droit : « À quand le retour de l’ordre ? » On rit, mais quand mĂȘme, pendant qu’on ne savait rien, il y a eu des infos. Enfin une : Ă  son retour de l’ÉlysĂ©e, une source a rencardĂ© BFMTV sur le « sourire crispé » qu’affichait Élisabeth Borne, bien connue, comme chacun sait, pour l’extraordinaire dĂ©tente de ses zygomatiques.

Ainsi donc Gabriel Attal. Plus jeune Premier ministre Ă  34 ans gnagnagna Laurent Fabius. ParaĂźt-il un temps de gauche mais ce devait ĂȘtre en CE2 Ă  l’École alsacienne, l’établissement privĂ© parisien que le dĂ©sormais ancien ministre de l’Éducation nationale frĂ©quenta. Qui « transforme tout ce qu’il touche en or », nous certifiait lundi avant l’annonce, la cheffe du service politique de BFMTV NeĂŻla Latrous. Attal qui est, selon la mĂȘme, « j’ose le terme, “talentueux” ».

AimĂ© Ă  droite mais aussi Ă  l’extrĂȘme droite, ajouterons-nous en souvenir des petits hennissements de plaisir poussĂ©s au JDD et dans le reste de la presse qui pue quand il imposa l’interdiction de l’abaya Ă  l’école (lire l’épisode 6, « Macron danse l’IA ») et l’expĂ©rimentation de l’uniforme. Le tout en surjouant un petit air pincĂ© de proviseur excĂ©dĂ©. Un coup Ă  gauche, beaucoup de coups Ă  droite. Un pur Playmobil macroniste en somme, dont on a du mal Ă  voir en quoi il diffĂšre des autres joujoux du prĂ©sident de la RĂ©publique, tels les Julien Denormandie et SĂ©bastien Lecornu donnĂ©s dans la course Ă  Matignon avant que Gabriel Attal s’impose.

Le moment rigolo (quand on n’est pas concernĂ©), c’est quand, dans la grande salle d’attente de la nomination, tout le monde pĂšte les plombs. LĂ , ça s’est passĂ© ce mardi en fin de matinĂ©e, pile au moment oĂč, le matin mĂȘme, on nous annonçait promis, jurĂ©, crachĂ©, main sur le cƓur et tout qu’Attal serait nommĂ©. Sur BFMTV, tout Ă©tait prĂȘt : des duplex organisĂ©s Ă  l’ÉlysĂ©e, Ă  Matignon, et au ministĂšre de l’Éducation nationale, le tout disposĂ© en une jolie mosaĂŻque sur l’écran. Quand soudain, Ă  l’heure oĂč il aurait dĂ» ĂȘtre Premier ministre, bim, Gabriel Attal s’installe tranquillou depuis son ministĂšre pour une visioconfĂ©rence avec les chefs d’établissement de collĂšges et lycĂ©es, comme si de rien n’était. « C’est lunaire ! », Ă©carquille derriĂšre ses lunettes le journaliste Laurent Neumann en plateau quand, sur le terrain, les reporters congelĂ©s perdent leurs derniers filtres. Ainsi Perrine Vasque rue de Grenelle, complĂštement dĂ©pitĂ©e : « Alors lĂ , je ne comprends plus rien », Ă©voquant l’annulation puis la reprogrammation surprise de la visio. Tandis qu’à l’ÉlysĂ©e, LĂ©opold Audebert Ă©voque un fumeux complot rĂ©unissant Bruno Le Maire, GĂ©rald Darmanin, Édouard Philippe, Alexis Kohler et pourquoi pas François Bayrou tant qu’on y est, qui serait en train de rĂ©ussir Ă  repousser la nomination de Gabriel Attal. L’obscure conjuration prenant fin quelques minutes plus tard en mĂȘme temps que s’allumaient, donc, les phares de l’ex-ministre de l’Éducation.

« C’est un kamoulox et un schmilblick.»

Léopold Audebert, de BFM, touillant audacieusement des références des années 1990 et 1950

Notons au passage un festival de clichĂ©s politico-journalistiques qui permettent de combler le vide avec du rien : « C’est un kamoulox et un schmilblick », lance ainsi LĂ©opold Audebert, touillant audacieusement des rĂ©fĂ©rences des annĂ©es 1990 et 1950. Tandis qu’en plateau un mec du RN dont on a oubliĂ© le nom fait un combo estimant qu’on est « entre course de petits chevaux et chaises musicales ». Et que sur CNews, Gilles Platret, des RĂ©publicains, dĂ©roule le classique et toujours de mauvais goĂ»t « c’est une tempĂȘte dans un verre d’eau ». Gaffe quand mĂȘme Ă  l’accident de clichĂ©, arrivĂ© Ă  Laure Lavalette du RN, Ă  pleine vitesse sur l’autoroute de la nomination : « C’est l’élĂ©phant qui accouche d’une souris. » À moins que ce ne soit une montagne dans un magasin de porcelaine, allez savoir.

Mais voilĂ , on a beau essayer, on n’arrive pas Ă  ĂȘtre journalistes politiques, nous, et on ne goĂ»te pas Ă  sa juste mesure ce plaisir de fin gourmet qui consiste Ă  dissĂ©quer la moindre dĂ©claration politique pour en prĂ©lever la sursignifiante moelle, Ă  interprĂ©ter la nomination de MatĂ©o TaboulĂ© au poste de sous-secrĂ©taire d’État au RĂ©armement civique comme une Ă©vidente allĂ©geance au sous-courant d’Horizons en vue de dĂ©stabiliser une Ă©ventuelle candidature d’Édouard Philippe en 2027 – c’est un exemple – et Ă  se goberger de confidences de conseillers de l’ombre. Notons la pas du tout voyante manƓuvre de diversion d’Emmanuel Macron aprĂšs le fiasco de la loi immigration votĂ©e grĂące Ă  l’extrĂȘme droite : Ă©pisode 1, l’odieuse dĂ©fense de GĂ©rard Depardieu ; Ă©pisode 2, virer Élisabeth Borne aprĂšs qu’elle a avalĂ© autant de couleuvres que de 49.3 ; Ă©pisode 3, nommer Gabriel Attal et conforter GĂ©rald Darmanin, pourtant principal artisan dudit fiasco. On est pas bien, lĂ , entre couilles ? Dit plus poliment par Élisabeth Borne lors de la passation de pouvoir : « J’ai aussi pu mesurer assez souvent qu’il reste du chemin pour l’égalitĂ© entre les femmes et les hommes. »

Selon son entourage, le PrĂ©sident souhaiterait « turbuler le systĂšme ». Avec encore un de ces mots surannĂ©s qu’il semble piocher dans son Larousse de 1877

Voyante, certes, cette diversion, mais que voulez-vous, il suffit d’agiter un remaniement sous le nez des journalistes politiques pour que ça prenne direct. Combien, depuis fin dĂ©cembre, d’articles se nourrissant ainsi sinon de bruits de chiottes, du moins de murmures de cabinets ministĂ©riels ? Ainsi Le Monde, le 27 dĂ©cembre, cite « l’entourage » du prĂ©sident de la RĂ©publique qui souhaiterait « mettre des fers au feu » et « turbuler le systĂšme » car, abonde un « communicant de l’ÉlysĂ©e », « un quinquennat doit ĂȘtre rythmé ».

Bullshit, nous direz-vous, mais pas tout Ă  fait : cette idĂ©e de « turbuler » (qui ressemble quand mĂȘme Ă  un de ces mots surannĂ©s que Macron semble piocher dans son Larousse de 1877) fait suite à un prĂ©cĂ©dent article du Monde, du 8 dĂ©cembre, oĂč, cette fois sans le truchement d’un conseiller ni d’un communicant, le PrĂ©sident annonçait en personne, on l’imagine avec son sourcil gauche dressĂ© comme Ă  chaque instant solennel : « Le moment est venu d’un rendez-vous avec la nation. » Un mois plus tard, bim : Gabriel Attal. On n’ose croire que ce « rendez-vous » se borne Ă  cette nomination : le mouvement promis doit – « aux dires du Palais », écrivait Le Monde sans rigoler dĂ©but janvier – « embellir le commun contre ceux qui attisent les crispations identitaires ». Ah mais attendez, prenons l’info de la bouche du cheval qui, sur l’ex-Twitter, s’est adressĂ© mardi Ă  son nouveau Premier ministre : « Je sais pouvoir compter sur votre Ă©nergie et votre engagement pour mettre en Ɠuvre le projet de rĂ©armement et de rĂ©gĂ©nĂ©ration que j’ai annoncĂ©. »  OK, « rĂ©armement » et « rĂ©gĂ©nĂ©ration ». Nous voilĂ  bien avancĂ©s, pourvu que personne ne se prenne une balle perdue.

Et le journalisme politique a tout donnĂ© pour conter l’absurde attente du nouvel occupant de Matignon, se shootant Ă  ces petites phrases absconses et ces tuyaux crevĂ©s. La preuve avec Le JDD qui, le 3 janvier, annonce sur la foi « d’une source trĂšs bien informĂ©e » que le remaniement aurait lieu « avant le week-end ». Caramba


Au sortir de ce week-end oĂč rien n’arriva sinon une rencontre inopinĂ©e le dimanche soir entre Élisabeth Borne et Emmanuel Macron, on a « glissé » au Monde : « Beaucoup fut Ă©voquĂ© mais rien ne fut dit. » La mĂȘme rĂ©union a Ă©galement rendu fĂ©brile Le Figaro à qui « un conseiller Ă©lysĂ©en, sans expliciter », a confié : « Demain est un autre jour. » 

Ils se la racontent bien, Ă  l’ÉlysĂ©e, faut dire, ayant rĂ©ussi Ă  faire avaler au Monde cette montagne de fatuitĂ© pour dĂ©crire la fin d’un cycle oĂč la LumiĂšre des Croyants Macronistes entend apposer « un point-virgule, donner une respiration Ă  sa dĂ©cennie de pouvoir, en changeant de ton comme on pourrait le faire dans une partition de musique ou dans une poĂ©sie ». Tous auraient dĂ» prendre de la graine de cet autre murmure Ă©lysĂ©en servi avant le remaniement Ă  la fois Ă  l’AFP et au Monde : « Tout est possible, y compris rien. » Y compris rien, effectivement : ce mardi 9 janvier, Gabriel Attal est devenu Premier ministre.

  • Cyborganism
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    6 months ago

    Question d’un Ă©tranger de l’autre cĂŽtĂ© de l’Atlantique: j’ai l’impression que les gens en France n’aiment pas du tout Macron et ses politiques nĂ©o libĂ©rales. Alors comment ça se fait qu’ils aient Ă©lu un politicien de carriĂšre qui Ă©tait proche de Macron comme premier ministre? Ou est-ce que cette haine de Macron est surreprĂ©sentĂ©?

    • Lemmysanthrope@lemmy.world
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      6 months ago

      Le premier ministre en France est nommĂ© par le prĂ©sident de la rĂ©publique, il n’est pas Ă©lu. Fatalement, il faut qu’il soit validĂ© par le parlement, donc sa couleur politique reprĂ©sente celle qui fait le plus consensus dans le parlement. Dans le cas prĂ©sent, c’est le parti de Macron qui est en majoritĂ© (relative) au parlement, donc le premier ministre est du mĂȘme bord que le prĂ©sident, mais ça n’a pas toujours Ă©tĂ© le cas par le passĂ©, c’est ce qu’on appelle alors la cohabitation.

      Une question demeure, pourquoi le parti de Macron est majoritaire au parlement si il est si contestĂ©? Il y a plusieurs raisons. Depuis la fin du septennat, le calendrier des Ă©lections parlementaires et prĂ©sidentielle concorde a quelques mois prĂšs. Du coup si on considĂšre que les Ă©lections sont une mesures de la tendance politique a l’instant t, alors il y a des chances que les Ă©lections prĂ©sidentielle et lĂ©gislatives montrent les mĂȘme tendances. C’est regrettable, car quoi qu’il advienne, le rapport de force politique est figĂ© pendant tout un mandat, jusqu’aux prochains prĂ©sidentielles. La deuxiĂšme raison c’est le manque d’alternative forte. Macron a Ă©tĂ© Ă©lu dans un champ politique divisĂ© entre la gauche, la droite et l’extrĂȘme droite. C’est sans doute plus simple de trouver des accords quand on est entre deux camps que entre deux oppositions qui ne se parlent pas. Enfin, la troisiĂšme raison que je vois c’est que le rĂ©sultat des Ă©lections ne tient pas compte de l’abstention, alors que le mĂ©contentement des gens s’exprime aussi, et mĂȘme surtout, chez ceux qui se sont abstenus.

      • Snoopy@toulouse.social
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        6 months ago

        @Lemmysanthrope @cyborganism trÚs bon résumé, trÚs complet, merci.

        Pour poursuivre un peu, c’est lĂ  que je me dis que si le parlement durait 2 ans et 6 mois, ça mettrais fin Ă  la majoritĂ© relative du prĂ©sident.

        Là, les partis d’oppositions, à chaque fois qu’on fait le 49.3, vote une motion de censure qui dissout automatiquement le parlement ou oblige le gouvernement actuel à recreer un nouveau gouvernement sous 14 jours (ministres)

        On en est à 20 utilisations du 49.3 et c’est trùs grave.

    • NuclearPlatypus@jlai.luOP
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      ·
      6 months ago

      La 5Úme république se distingue par le rapport de subordination entre le 1er ministre et le président.

      Il est intĂ©ressant d’analyser cette particularitĂ© Ă  travers le prisme de la constitution russe de 93 : Eltsine s’est inspirĂ©e de la constitution de la 5Ăšme.

      La pratique du rĂ©gime semi-prĂ©sidentiel : La pratique du rĂ©gime favorise encore davantage l’établissement d’un rapport de subordination entre le Premier ministre et le PrĂ©sident, sauf en cas de cohabitation, oĂč le centre du pouvoir se dĂ©place alors vers le Premier ministre.

      Le choix du « modÚle français » : Les institutions de la Ve République sont perçues comme un bouclier contre le parlementarisme, trop faible et instable, et le présidentialisme, facteur de blocages institutionnels et source de tentations autoritaires.

      Le contexte : fascination pour la « démocratie autoritaire » du général De Gaulle

      En dĂ©cembre 1993, aprĂšs prĂšs de deux ans d’un processus constituant ayant donnĂ© lieu Ă  des affrontements parfois violents entre partisans d’un rĂ©gime parlementaire et soutiens d’un rĂ©gime prĂ©sidentiel, c’est un projet mixte, celui de Boris Eltsine, dernier PrĂ©sident du Soviet SuprĂȘme et premier prĂ©sident de Russie, qui est adoptĂ© par rĂ©fĂ©rendum par le peuple russe. Le projet est rĂ©digĂ© par son conseiller juridique Sergei Shakrai, qui s’était inspirĂ©, selon ses dires, du « modĂšle français à la demande de Boris Eltsine »[3]. Il fallait crĂ©er un prĂ©sident fort et un gouvernement stable, capable de tenir l’assemblĂ©e, pour lui donner les moyens d’imposer de nombreuses rĂ©formes impopulaires sans se heurter Ă  des blocages parlementaires, le tout en liquidant l’hĂ©ritage soviĂ©tique pour s’ancrer dans le camp europĂ©en et dĂ©mocratique. La Ve RĂ©publique, dans sa pratique gaullienne, fascine Boris Eltsine[4], qui demande, plus qu’un copier-coller du texte, une codification de sa pratique : le PrĂ©sident obtient les pouvoirs de lĂ©gifĂ©rer par ordonnances et d’initier des projets de lois (art. 90), de faire adopter des lois par rĂ©fĂ©rendum (art. 84), de dĂ©clarer la loi martiale (art. 87) et l’état d’urgence (art. 88).

      https://blog.juspoliticum.com/2022/09/22/le-systeme-constitutionnel-russe-miroir-de-la-cinquieme-republique-par-eugenie-merieau/