Je passe pour la première fois quelque jours en Espagne, à Barcelone. Je ne peux m’empêcher de remarquer à quel point les gens sont extrêmement malpolis envers moi et ma compagne, nous sommes français, ne parlons pas espagnol et tentons de communiquer en anglais. Presque toujours, les gens ne sourient pas, ne disent pas bonjour, on l’air complètement mécontent de l’interaction, les employés de guichet de service tel que dans le métro ou la gare répondent à peine. Dans le train, pour accéder à ma place le long de la fenêtre, la personne assise côté couloir (entre moi et ma place) ne s’est même pas levée ni ne m’a répondu, il a fallu que je me faufile entre ses jambes et le siège pour m’asseoir. J’ai eu de nombreuses interactions de ce type… C’est très étrange, je ne sais pas si c’est parce que je ne parle pas espagnol, est-ce une forme de racisme/xénophobie ? Est ce spécifique à la Catalogne ? J’essaie pour ma part d’être aimable et souriant et de respecter autant que possible les gens que je croise.

Je ne trouve rien non plus en ligne qui documente ce phénomène. Avez-vous déjà entendu cela ? Pour ma part j’ai toujours entendu dire que les espagnols étaient des gens très sympathiques.

  • Camus [il/lui]
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    23 days ago

    Le problème c’est qu’à Barcelone, contrairement à Paris ou Londres, le salaire des habitants est plus bas que dans les pays d’Europe d’où viennent les touristes, ce qui incite à un tourisme de masse, l’Espagne étant toujours vue comme une destination “moins chère”.

    Prague est un peu dans la même situation, et a pris des mesures pour essayer de lutter contre le surtourisme orienté “alcool pas cher”

    https://www.routard.com/actualite-du-voyage/cid141315-prague-interdit-les-tournees-de-bars-nocturnes.html

    Le tourisme est un plus un secteur qui paie moins bien que les autres activités, d’où le fait que les gens souhaitent que la ville passent à autre chose (voir l’article lié dans ce commentaire : https://jlai.lu/post/26509836/17011381 )

    Les revenus bruts annuels par secteur d’activités (tourisme vs le reste)

    https://observatoriturisme.barcelona/wp-content/uploads/2025/05/2024_Capsula_3_IAT.pdf

    Pour citer l’article mentionné plus haut (https://lepetitjournal.com/barcelone/comprendre-espagne/francais-barcelone-plaignent-tourisme-masse-395303)

    « Ça devient de plus en plus difficile de vivre dans le centre-ville ou les alentours », confirme Victor, qui habite dans le quartier de Poble Sec, et qui dénonce également cette gentrification directement liée au tourisme. Avec toutes les nuisances qui s’ensuivent. Sur son palier du troisième étage d’un immeuble de la rue Concordia, le couple qui vivait là depuis vingt ans a fini par rendre les clés après plusieurs mois sans payer le loyer.

    « Je les connaissais bien », dit le Français, « ils avaient un petit salaire pour deux et ne parvenaient plus à faire face à l’augmentation du prix du loyer, qui a été multiplié par quatre en quinze ans ». L’appartement laissé vacant vient d’être racheté par un fonds d’investissement américain. Victor redoute qu’il soit transformé en appartement touristique, comme c’est le cas juste au dessus de chez lui, au quatrième étage : « En plus des allers-venues incessantes, le bruit est parfois insupportable, parce que les touristes restent quelquefois dans l’appartement à faire la fête toute la nuit, en mettant la musique à fond et en beuglant. Il y a déjà eu des disputes sévères entre des touristes de passage et des voisins, et la police est intervenue plusieurs fois ».

    Chloé a connu cette expérience « communautaire » avant de s’installer dans le quartier de Gracia, également très fréquenté par les touristes, mais un peu à l’égard de la « masse ». La Française, qui vit à Barcelone depuis près de vingt ans, a réussi à s’acheter un appartement près du Parc Güell juste après la grande crise financière de 2008. « Aujourd’hui, ce serait presque impossible pour moi ici, parce que les prix ont explosé à cause de l’afflux des touristes ».

    74% des Barcelonais estimsent que Barcelone a atteint les limites de sa capacité à fournir des services aux touristes , c’est un chiffre en nette augmentation, on était à 48% en 2016

    https://observatoriturisme.barcelona/wp-content/uploads/2025/05/2024_Capsula_3_IAT.pdf , page 17

    parce que dans le fond je sais combien de gens dans la ville dépendent d’eux + c’est pas un crime de vouloir visiter une jolie ville.

    Le problème c’est la surmassification du tourisme, et l’impact sur les habitants. Je sais que c’est un peu difficile à concevoir sans vivre sur place, mais c’est un peu comme si un arrondissement iconique de Paris (disons le 5ème ou le 9ème) voyait sa population remplacée progressivement par des Américains au pouvoir d’achat supérieur, qui achèteraient ou loueraient des apparts à des prix impayables pour les Parisiens, puis refuseraient d’apprendre le français, faisant de ce quartier une bulle anglophone, excluant les Parisiens francophones, et remplaçant les restaurants typiques du quartier par des brunchs avec des eggs benedicts à 18€ et des McDonad’s.

    Amsterdam a ce problème aussi, les Néerlandais se plaignent souvent des immigrants étranger qui souhaitent vivre sans parler néerlandais ( https://old.reddit.com/r/Netherlands/comments/118wrxo/is_it_necessary_to_speak_dutch_if_i_want_to_move/ )

    • Bad@jlai.lu
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      22 days ago

      Ou formulé autrement : le problème n’est pas le tourisme, c’est le capitalisme qui transforme le tourisme en industrie extractiviste, au détriment des habitants.

      Ça se résout en légiférant contre les acteurs qui captent la manne du tourisme et de l’immobilier à la place de la ville (airbnb, booking, les fonds d’investissement étrangers, les gens qui achètent sans y vivre/consommer, etc.). Tu parles d’Amsterdam, justement, ils ont fait ça, l’opkoopbescherming a beaucoup freiné l’investissement spéculatif (en gros si on achète c’est pour y vivre).

      Ce sont les spéculateurs qu’il faut punir, pas les touristes. L’écart de richesse touriste/local n’est pas nécessairement un problème en soi, en visitant certains pays beaucoup plus pauvres que Barcelone tu vois les deux schémas possibles. Quand les locaux profitent directement du tourisme, ils ont tendance à être super cool avec les touristes. Quand des corrompus ou des étrangers en profitent, les locaux ont tendance à être désagréables avec les touristes.

      De même pour les salaires bas dans l’industrie du tourisme, ce n’est pas une fatalité, c’est une absence de lutte sociale dans ce domaine, qui est dominé par des entrepreneurs individuels qui se pensent futurs milliardaires, et par des gros groupes qui peuvent virer du jour au lendemain toute personne qui tente de lutter pour ses droits. Si le tourisme baisse, ce ne sont pas les acteurs du tourisme qui vont en souffrir (ils partiront), mais les locaux (serveurs, guides, chauffeurs, etc.). Le problème se résout politiquement, en taxant les grandes plateformes, en soutenant le tourisme local, en valorisant le travail humain, en poussant les acteurs du milieu à se syndiquer et à lutter pour leurs droits. Les touristes ont plein de fric à filer justement, faut le prendre et le redistribuer.

      Du côté de Barcelone, la mairie laisse le marché immobilier et les locations saisonnières faire la loi, forcément le résultat est pas joyeux pour les habitants. À un moment ils ont commencé à légiférer sérieusement, puis c’est rapidement devenu une coopération. Du coup les locaux se font piller oui, ça je suis bien d’accord. Mais c’est avant tout par les ultra riches qui pompent leur capital.

      Tu cites Paris, il ya le même problème : on a régulé les AirBnB, cool, du coup ça fait moins de logements pour les habitants qui en ont besoin et se retrouvent forcés de quitter la ville. En parallèle, 20% des champs élysées appartiennent au Qatar maintenant, quelle valeur ils apportent aux citoyens de la ville à part remplir les poches des notaires et des lieux pour ultra riches qu’ils fréquentent ? Avec la loi PLM qui est passée pour changer le format de l’élection, Attal ou Dati sont bien partis pour gagner la mairie, ça va pas s’arranger de sitôt. Mais c’est pas pour autant que j’en veux aux touristes, dont la majorité sont très respectueux : ils sont juste là pour voir les mêmes choses qui font que je suis heureux de vivre dans cette ville, le patrimoine c’est fait pour être partagé.

      TLDR: Le tourisme devrait être une opportunité, c’est les parasites qui font en sorte que ça ne le soit pas qu’il faut éliminer.

      • Camus [il/lui]
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        22 days ago

        l’opkoopbescherming a beaucoup freiné l’investissement spéculatif (en gros si on achète c’est pour y vivre).

        Aurais-tu des sources sur le sujet? Ca m’intéresse

        airbnb

        Barcelone a aussi légiféré et lutte contre les Airbnb et locations illégales:

        The city council realized years ago that killing the messenger was the best way to eradicate housing activity without a tourist license, that is, it was key that the reservation platforms did not announce them. Thanks to the collaboration subscribed with operators such as Airbnb, Homeaway and Booking, since 2018 it has been possible to deactivate 16,011 ads (until this July). The issue is summarized in that the council combs the offer of the platforms thanks to the sophisticated program Spider -hired externally- that detects irregularities and throws a summary of the monthly casuistry to the city council, which must compare it with its CATB database, analyze and prove the suspicions.

        Les touristes ont plein de fric à filer justement, faut le prendre et le redistribuer.

        Mais c’est pas pour autant que j’en veux aux touristes, dont la majorité sont très respectueux : ils sont juste là pour voir les mêmes choses qui font que je suis heureux de vivre dans cette ville, le patrimoine c’est fait pour être partagé.

        Les touristes qui viennent pour faire des enterrements de vie de garçon/jeune fille à Barcelone ou Prague parce que c’est moins cher n’ont pas le même profil que ceux qui viennent découvrir l’architecture et les monuments de Paris ou Londres.

        https://www.huffingtonpost.fr/international/article/tourisme-a-prague-comment-la-ville-veut-faire-venir-des-touristes-plus-cultives-qui-boivent-moins_240889.html

        Autre commentaire sur la qualité des touristes: OP a dit ne pas parler ni espagnol ni catalan, du tout, et s’attend juste à ce que tout le monde parle anglais. C’est une forme de manque de respect pour les habitants locaux que de leur demander d’apprendre une langue étrangère pour pouvoir communiquer avec des touristes. Même en Pologne j’avais fait l’effort d’apprendre quelques mots (dzien dobry pour bonjour, dziekuje pour merci), ça fait tout de suite plaisir aux gens de voir qu’on est conscients qu’on vient en visite chez eux et pas dans un parc d’attractions.

        Le problème se résout politiquement, en taxant les grandes plateformes, en soutenant le tourisme local, en valorisant le travail humain, en poussant les acteurs du milieu à se syndiquer et à lutter pour leurs droits.

        En fait je suis d’accord sur le fait que le problème c’est l’hypercapitalisme du secteur, après il ne faut pas non plus oublier la part de responsabilité individuelle dans le phénomène. C’est un peu comme pour l’environnement, ce serait effectivement mieux que le problème soit réglé politiquement, mais ça n’empêche pas qu’on peut critiquer les gens qui se fichent complètement du sujet et vivent un mode de vie qui est une aberration écologique.

        Les voyageurs sont plus conscients du surtourisme

        Alors que plusieurs destinations européennes bien connues, telles que Santorin, Rome, Venise et Barcelone, sont déjà confrontées au surtourisme, davantage de voyageurs européens s’efforcent désormais de trouver des endroits moins connus.

        55 % des voyageurs recherchent activement des lieux de niche pour leur prochain voyage, contre 48 % au printemps de cette année. 11 % des voyageurs ont également révélé que le choix d’un endroit moins fréquenté était désormais leur principale priorité.

        https://fr.euronews.com/voyages/2025/07/29/surtourisme-les-voyageurs-europeens-se-tournent-vers-des-lieux-moins-connus-et-des-escapad

        Quand des gens veulent venir à Barcelone, je leur recommande Valence. Déjà, parce qu’il y a trop de touristes ici comme on l’a vu, et ensuite parce que même pour eux ce sera une meilleure expérience, Valence sera plus authentique vu la proportion plus faible de touristes qu’à Barcelone.

        Les gens parlent toujours de Rome, Florence, Venise en Italie, personnellement je recommande Bologne ou Lecce, pour les mêmes raisons.